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Akai ito
livre 1

couverture - Copie_edited.jpg

Chapitre 21

Lorsque Megumi ouvrit les yeux, elle pensa à Hayate avant même de respirer...

Sa poitrine se gonfla au souvenir de leur rapprochement de la veille et elle s'étira paresseusement, un petit sourire aux lèvres.

Une petite voix lui soufflait de ne pas s'emballer et de garder la tête froide.

De ne surtout pas oublier quel genre d'homme il était.

Mais elle préféra l'ignorer pour le moment.

Cette allégresse, cette joie qui lui faisait presque quitter le sol depuis cette nuit, elle ne voulait pas s'en défaire. Jamais un homme ne lui avait fait ressentir pareille émotion.

Jamais elle ne s'était sentie aussi vivante de sa vie...

Oui, ce matin, elle était heureuse...

Megumi soupira, et se redressa en baillant à s'en décrocher la mâchoire.

Elle n'avait pas beaucoup dormi mais qu'importe. Elle était amoureuse...

Elle rougit en se remémorant l'instant où leurs regards s'étaient croisés durant la nuit.

Elle soupira de nouveau pour calmer les battements de son cœur.

Elle ignorait où tout ceci allait la mener. Leur relation avait si mal commencé. Et Hayate était loin de correspondre à son idéal... D'autant plus qu'elle était censée repartir vers son monde dans un peu moins d'une semaine, si elle retrouvait la bille...

Tout se mélangeait dans sa tête, elle était si épuisée et chamboulée qu'elle n'arrivait plus à réfléchir.

- Bien dormi ?

Elle tressaillit et leva les yeux vers Aku, qui passait devant elle en souriant.

- Pas vraiment, en fait... chuchota-t-elle.

Les autres dormaient encore.

- Ha ha, c'est vrai qu'il a fait un peu froid, s'amusa-t-il.

Megumi se leva en grimaçant, le dos courbaturé, puis elle commença à plier les couvertures et Aku vint à son secours avec un petit sourire malicieux.

- Quoi ? Dit-elle en riant.

- Rien... Je te trouve bien rayonnante, ce matin...

- C'est gentil, ça, rit-elle.

Il l'aida à le ranger dans son sac avant de lui susurrer à l'oreille.

- Désolé de vous avoir interrompu hier soir...

Le ton de fripouille qu'il avait employé la fit aussitôt rougir et elle lui donna un coup de couverture en lui faisant les gros yeux.

- Chuuut !

- Ha ha, ne t'inquiète pas, tout le monde dort, s'esclaffa-t-il à voix basse.

- Oui, mais ils ne dorment que d'une oreille, tu le sais bien... bégaya-t-elle en jetant un regard prudent vers Hayate et Kyosuke.

- Je ne peux que te donner raison, ils ont un instinct extraordinaire, surtout le capitaine Hayate. Il est capable de sentir un ennemi en approche. C'est un surhomme !

Aku avait une lueur d'admiration dans le regard, et Megumi ressentit aussitôt comme une bouffée de fierté lui gonfler la poitrine.

Étrangement, elle se sentait comme si c'était elle qu'Aku venait de complimenter.

« Ah, bon sang... »

Elle avait du mal à gérer ce flot de sentiments qui sortait un peu de nulle part.

Elle aimerait tant confier à quelqu'un ce qu'elle avait sur le cœur. Elle était certaine qu'en parler l'aiderait à y voir plus clair.

« Ah, si seulement Mayu était là... »

Elle pinça les lèvres en jetant un regard un peu intimidé vers Aku.

Megumi hésitait encore. Elle avait envie de tout lui raconter, mais elle avait un peu honte.

Elle savait qu'il ne la jugerait pas, mais, elle n'était pas certaine d'être prête à s'entendre raconter de vive voix son rapprochement avec Hayate...

La jeune femme rougit et son intimité s'enflamma au souvenir du contact brûlant du corps d'Hayate.

Elle savait que ce n'était pas bien et qu'Hayate n'était pas quelqu'un de fiable... mais c'était plus fort qu'elle.

Le capitaine avait allumé un feu en elle. Un feu qui ne demandait qu'à grandir et à devenir un véritable brasier.

Mais elle n'était pas certaine d'y survivre, si elle décidait de foncer...

D'autant plus qu'elle devait partir !

« Aaaah ! Tout est si compliqué ! »

Elle croisa le regard soucieux d'Aku, alors elle s'empressa de détourner les yeux.

- Tu veux marcher un peu ? Proposa-t-il gentiment, je sens que tu as besoin de vider ton sac, là...

Megumi lui jeta un regard épuisé et rieur.

- Et toi, je sens que tu as besoin de potins...

- J'en raffole, tu n'imagines même pas à quel point ! S'enthousiasma-t-il avec bonne humeur.

Une bonne humeur contagieuse, car Megumi se sentit un peu plus légère tout à coup.

- J'ai justement besoin d'aller me débarbouiller à la rivière, dit-elle. Accompagne-moi, et je satisferais ta curiosité... À condition, bien sûr, que ça reste entre nous...

- Évidemment, pour qui tu me prends ? S'indigna-t-il avant de jeter un regard vers les autres. Je devrais peut-être au moins prévenir le capitaine Kyosuke. Il va paniquer s'il ne te voit pas en se réveillant.

- Non, ils sont en train de dormir... l'arrêta-t-elle en attrapant sa besace. Viens, nous serons revenus d'ici une quinzaine de minutes de toute façon.

- Tant que ça ? S'étonna-t-il en riant

- Évidemment, ne sous-estime jamais les potins d'une fille, rit-elle.

Aku la suivit dans les bois en riant et Megumi essaya de rassembler ses idées.

Elle ignorait si Aku allait tenir sa langue tant il aimait amuser la galerie, mais, d'une certaine façon, il lui rappelait sa meilleure amie Mayu, alors elle voulait croire qu'elle pouvait se confier à lui.

- Je t'écoute, l'invita-t-il avec un sourire encourageant.

Megumi prit un instant pour trouver ses mots.

Elle ignorait par où commencer.

Tout était en désordre dans sa tête.

- Bon, soupira-t-elle. Tu as raison... Tu as bien interrompu quelque chose, cette nuit.

- Je m'en doutais ! S'amusa-t-il. Je l'ai deviné dès que je vous ai vus sortir des buissons, tout décoiffés.

Megumi rougit.

- Hum... Oui, enfin... Bref. Je te remercie en tout cas... d'avoir menti pour nous, hier. Kyosuke était si remonté.

- Ah, même plus que remonté, confirma-t-il. D'autant plus qu'il déteste le capitaine Hayate.

- Mmh... Je le sais, dit-elle pensive.

« Mais pourquoi à ce point-là ? »

« Que s'est-il passé entre eux ? »

- Par contre, tu devrais prendre en considération les paroles du capitaine Kyosuke, l'avertit-il. Il y a beaucoup de vrai dans ce qu'il t'a dit. J'ignore où vous en êtes dans votre relation, mais... Tu devrais rester sur tes gardes. C'est un homme cassé... Je dirais même détraqué et déséquilibré.

Étonnée, Megumi leva les yeux vers lui et cessa le pas sans s'en rendre compte.

- Ne le prends pas mal, mais c'est vrai, dit-il avec douceur, Hayate est quelqu'un d'égoïste. Il n'a pas de limite, aucune morale et...il ne pense qu'à lui-même...

La jeune fille sentit son ventre se serrer.

Elle savait qu'il avait raison, mais elle ne voulait pas l'entendre...

Son cœur ne voulait pas l'entendre.

Et quelque part, l’entendre dire des méchancetés sur lui l’agaçait un peu...

- Je le sais... Ces derniers temps, j'ai appris à le connaître, je l'ai même repoussé du mieux que je le pouvais mais...

Elle se mordilla la lèvre et fouilla le sol des yeux, tourmentée.

- Je sais ce que tu vas me dire. Je sais que tu vas me prendre pour une gamine naïve et stupide, mais... je t'assure que je suis bien consciente de ma bêtise ! Je lui ai pratiquement sauté dans les bras, uniquement parce qu'il s'est montré un peu gentil avec moi, hier ! Mais je ne suis pas bête, je sais qu'il va me briser le cœur. Je sais qu'il a probablement fait tout ça pour m'avoir... et que j'ai failli tomber dedans, mais...

Les larmes lui montaient aux yeux, elle se sentait si pitoyable.

- Aku... dit-elle en relevant la tête vers lui. J'ai l'impression de ne plus pouvoir revenir en arrière et que...

Tout à coup, un mouchoir en tissu énorme se plaqua sur son visage et une horrible odeur de pourriture lui brûla le nez.

Un bras puissant lui enserra la taille et elle se retrouva bloquée contre un corps solide et massif.

Affolée, elle leva de grands yeux vers Aku en s'agitant dans tous les sens, mais celui-ci restait stoïque, et observait le visage de Megumi, d'un regard aussi vide que le néant.

« Aku... ? »

- N'y vois rien de personnel, Megumi, dit-il d'une voix glaciale. Je suis désolé...

« Hein ? »

Megumi eut à peine le temps d'entendre ces mots, que son esprit sombrait déjà dans l'inconscience…

 

 

* * *

 

 

Lorsque Megumi reprit connaissance, une main puissante la forçait à garder la tête sous l'eau. Le cœur battant à tout rompre, elle s'agita dans tous les sens pour s'en défaire, mais le type qui la noyait était beaucoup trop fort pour elle.

De plus, ses mains engourdies semblaient avoir été liées dans son dos.

« Mon Dieu, mais qu'est-ce qui se passe ?! »

Elle se rappela soudainement que quelqu'un l'avait endormie en lui faisant respirer une horrible odeur dans un mouchoir...

Le regard vide et glacial d'Aku lui revint également dans un flash, mais il lui avait paru si irréel qu'elle était quasiment certaine d'avoir rêvé.

Elle se sentait complètement perdue et confuse.

Tout à coup, la main qui la noyait la tira sauvagement par les cheveux pour la sortir de l'eau, lui arrachant un cri de douleur.

Elle fut ensuite jetée sur le sol mousseux de la forêt, sans ménagement, comme un sac de patates.

Enfin hors de l'eau, elle se mit à tousser bruyamment, et à vomir l'eau qu'elle avait avalée tout en essayant désespérément de reprendre son souffle.

- On a bien dormi ? Susurra une voix malfaisante.

Elle tressaillit et leva de grands yeux écarquillés vers l'homme qui venait de l'attraper par la nuque, mais il faisait si sombre qu’elle pouvait à peine apercevoir sa silhouette.

Megumi réalisa alors immédiatement qu'elle avait passé la journée, plongée dans l’inconscience.

« Mon Dieu, mais... que s'est-il passé ? »

« Où suis-je ? Qui est ce type ?! »

Son cœur battait si fort qu'elle l'entendait raisonner dans ses oreilles.

« Calme-toi ! Garde ton calme ! »

Elle tenta de reconnaître les lieux, mais il lui était impossible de se repérer en pleine forêt.

S’étaient-ils beaucoup éloignés de leur camp, ou étaient-ils restés dans le coin ?

L'homme qui la maintenait, la secoua de nouveau, un sourire mauvais brillant dans la pénombre.

- Désolé de t'avoir réveillée en plein somme mais il va falloir que tu marches, tu as beau être petite, tu n'es pas si légère ! Se moqua-t-il.

Megumi cligna des yeux sans comprendre, la lèvre tremblante. Elle claquait des dents et tremblait comme une feuille, pourtant, la peur lui donnait chaud et faisait dégouliner son dos de sueur.

- Qu'est-ce que vous me voulez ? Bégaya-t-elle d'une voix hachée.

Il la relâcha sans ménagement en ricanant et Megumi poussa un petit cri de surprise en regardant autour d'elle.

Elle remarqua aussitôt les deux silhouettes derrière son ravisseur.

L'un était aussi massif que lui et malgré l’obscurité, Megumi reconnut immédiatement le second. Il s’agissait d'Aku.

Son cœur loupa aussitôt un battement et elle fit un geste vers lui.

- Aku ? Balbutia-t-elle.

- Personne ne nous suit ? S'enquit l'un des ravisseurs.

- Non, répondit Aku en se rinçant le visage, je m'en suis assuré. J'ai également brouillé les pistes, cela devrait nous faire gagner une demi-journée.

C'était bien la voix d'Aku mais... pourquoi ne la reconnaissait-elle pas ?

Où étaient passées cette candeur et cette légèreté qu'elle aimait tant dans sa voix ?

Était-ce bien Aku ?

Était-ce bien la réalité ?

Tout ceci était-il bien réel ? Elle ne savait plus !

- Aku... l'appela-t-elle d'une voix harassée.

- Bien, nous pouvons reprendre la route dans ce cas, fit l'un des ravisseurs.

- Oui, ne tardons pas.

- AKU ! Cria-t-elle soudain, au bord de la crise de nerf.

Les trois hommes se tournèrent vers elle, et avant même qu'elle n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, elle recevait déjà une gifle cuisante.

Une gifle si violente qu'elle faillit s'évanouir de nouveau.

Elle resta quelques secondes ainsi, la tête renversée sur le côté, profondément choquée par ce geste brutal et gratuit.

Son pouls battait férocement, elle le sentait vibrer dans ses oreilles.

Le ravisseur l'attrapa violemment par les cheveux, lui arrachant un cri de douleur et de frayeur, et elle se retrouva, la seconde suivante, la tête sous l'eau, à nouveau.

Complètement paniquée, les poumons en détresse, elle gigota dans tous les sens pour tenter de se libérer, en vain.

La puissance qui la maintenait sous l'eau était prodigieuse.

Les secondes s'écoulaient, ses forces faiblissaient...

Les battements de son cœur devenaient irréguliers...

Il la tira hors de l'eau juste au moment où elle allait se noyer et la jeta sans ménagement sur le sol, elle buta contre un arbre, et le choc contre son estomac lui fit cracher l'eau qu'elle avait ingurgitée.

Un sanglot abasourdi se mêla à ses rejets et elle s'agrippa le ventre en cherchant l'air.

C'était comme si la violence de son geste lui avait causé un tel choc que son corps en avait oublié comment respirer.

Elle se traîna sur l'herbe, au bord de l'évanouissement, tandis que ses poumons peinaient à reprendre leur fonction.

- Hurle encore une seule fois, gamine, et je te noie pour de bon, c'est clair ? Rugit le géant en lui flanquant un coup de pied dans le dos.

Megumi encaissa le coup, le visage défiguré par la douleur.

- Eh ? Évite de la tuer, marmonna Aku avec indifférence, on a besoin d'elle vivante pour faire chanter l'autre imbécile d'Akihoshi.

Megumi se figea, la main contre sa gorge, puis elle les regarda de nouveau tandis que sa poitrine commençait enfin à se remplir d'air.

Avait-elle bien entendu ?

- Ouais, je sais, mais j'ai horreur des gamines ! Râla-t-il. Elles ne font que brailler !

- Eh bien, si elle attire trop l'attention, tu n'auras qu'à lui couper la langue.

Megumi écarquilla les yeux, et fouilla l'obscurité du regard pour trouver le visage d'Aku.

« C’est Aku...qui vient de dire ça ?! »

Non, elle ne pouvait pas y croire. C'était impossible !

Tout ceci ne pouvait être qu'un cauchemar !

Cet homme devait être la copie conforme d'Aku. Peut-être même son frère jumeau.

Elle pouvait tout croire, tout entendre, tout savoir...

Tout !

Sauf l'idée qu'Aku lui avait menti pendant tout ce temps.

Ils riaient encore ensemble au petit matin...

- Bien, nous repartons, ne les laissons pas nous rattraper, décida-t-il.

Megumi pensa alors à Hayate et Kyosuke...

Quelle avait été leur réaction après avoir constaté son absence ?

Qu'avaient-ils pensé ?

Se doutaient-ils qu'Aku l'avait enlevée ?

Étaient-ils déjà à sa recherche ?

Ou…

« Ces types ont peut-être profité de leur sommeil pour les tuer... »

Cette idée lui donnait des sueurs froides...

- Aku... dit-elle d'une voix à peine audible, tandis que l'un de ses camarades la forçait à se lever.

- Tu ne retiens rien, toi ? S'énerva son ravisseur. Tu veux que je te fasse boire encore la tasse ?

- S'il te plaît, dis-moi juste une chose... suffoqua-t-elle sans prêter attention à son ravisseur, pourquoi fais-tu tout ça ? Je ne comprends pas, je...

Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits. Elle n'avait pas les idées claires après tant de violence.

- Tu m'as raconté ton histoire... Ton dégoût pour Akiyama, ta reconnaissance envers le commandant Akihoshi, alors... Je ne comprends pas. Qui sont ces types ? Pourquoi m'as-tu enlevée, et... Bon sang ! Je ne comprends rien !

Ils s'échangèrent un regard rieur et Megumi vit enfin clairement le vrai visage d'Aku, malgré la pénombre.

Un visage froid et méconnaissable.

- Désolé, tout était faux depuis le début, dit-il d'une voix dénuée d'émotion. Tout, sans exception.

Megumi eut la sensation de recevoir une flèche en plein dans l’estomac.

Elle le dévisagea, choquée, tandis que son assaillant la forçait à avancer.

- Mais... Alors toutes nos discussions, c'était... bégaya-t-elle.

- De la fambrousse, oui, lui confirma-t-il.

« De la fambrousse ? » s’interrogea-t-elle en clignant des yeux.

Elle n’avait jamais entendu cette expression de toute sa vie, mais elle pouvait sans mal en deviner le sens...

« Du flan... » se dit-elle, la gorge nouée.

Aku n'avait donc jamais été son ami. Pas une seule fois.

Depuis le début.

Elle revoyait l’instant où il avait ri en la taquinant au sujet de sa chute pendant l’attaque nocturne, et son cœur se brisa.

Elle s’était complètement trompée sur son compte…

- Mais, pourquoi... Aku ? Pourquoi m'as-tu fait ça ?

« Pourquoi t’es-tu rapproché de moi ? Pourquoi as-tu cherché à devenir mon ami ? »

Elle en avait les larmes aux yeux, elle n'arrivait toujours pas à y croire.

- J'avais confiance en toi... souffla-t-elle, d'une voix brisée.

Le regard qu'il posait sur elle était si indifférent que Megumi avait encore du mal à le reconnaître.

Elle ne connaissait de lui que son sourire frais et jovial...

- Je vais te donner un conseil d'ami, alors, s'amusa-t-il. La prochaine fois, évite d'accorder ta confiance à un mec juste parce qu'il t'a fait marrer une fois ou deux.

Elle écarquilla les yeux, sidérée, tandis qu'il reportait son regard face à lui.

- Enfin, c'est un conseil qui ne te sera utile, seulement si Akihoshi accepte le marché.

Elle fronça les sourcils, un peu à l'ouest.

Megumi avait toujours l'impression de nager en plein cauchemar.

- Un marché ? Dit-elle d'une voix à peine audible.

- Oui, Akiyama lui a proposé un prix, mais il a renvoyé le messager. Nous avons fait attaquer le domaine, mais il n'a pas cédé non plus...

Megumi eut alors un flash d'une discussion entre Daisuke et Aku au niveau du portail. Ils s'interrogeaient tous, car aucune serrure n'avait été forcée.

Elle avait même soupçonné Kei...

« Mon Dieu, alors c'était Aku qui leur avait ouvert, cette nuit-là ? »

Elle en avait le tournis, c'était beaucoup trop d'informations à encaisser d'un seul coup.

- Nous avons donc décidé de changer de plan, lui révéla-t-il avec un petit sourire sournois.

Un sourire qui n'augurait rien de bon...

- J'ignore d'où tu sors réellement, continua-t-il. Mais le vieux semble s'être attaché à toi, alors...

Megumi sentit une nausée lui monter à la gorge tandis qu'elle commençait à deviner ses projets...

- Alors je pense qu'il aura moins de mal à abandonner sa place de commandant... lorsqu'il découvrira tes cheveux devant sa porte, demain matin...

Silence.

Encore étourdie, Megumi le regarda en clignant des yeux, puis, elle sentit son cœur retomber lourdement dans son estomac, lorsqu'elle réalisa brutalement que sa longue chevelure ne cascadait plus sur ses épaules...

 

* * *

 

Megumi était épuisée, ils avaient passé la nuit à marcher, et elle n'avait rien avalé à part quelques biscuits secs moisis.

Ils étaient visiblement bien trop pressés pour prendre le temps de chasser ou même de se reposer.

Le soleil s'était levé depuis de nombreuses heures déjà, ils étaient sortis de la forêt et voyageaient à présent au beau milieu d'un désert de rocailles, sans fin.

Il faisait chaud, et elle se sentait si sale qu'elle en devenait nostalgique des bains froids qu'elle prenait à l'avant-poste d’Ilias.

Ilias...

Aura-t-elle la chance d'y mettre à nouveau les pieds un jour ?

Elle avait vécu ses premières journées dans ce monde comme un véritable cauchemar, et pourtant...

Elle rêvait à présent de se retrouver à nouveau dans la sécurité de ces murs.

« Enfin, sécurité... » se reprit-elle en jetant un regard en coin vers Aku.

Après une telle trahison, elle n'était plus certaine de pouvoir y dormir à nouveau en toute confiance comme avant.

Ses liens lui meurtrissaient les poignets, mais elle ressentait à peine la douleur tant son cœur était blessé.

Il faisait jour, elle pouvait donc enfin voir le visage d'Aku.

Elle pouvait clairement voir qu'elle n'avait pas rêvé, et qu'Aku était bien un espion d'Akiyama. Il avait profité de la gentillesse d'Akihoshi pour infiltrer le domaine.

Il avait ouvert le portail afin de laisser les hommes d'Akiyama les attaquer pendant la nuit.

Et à présent, il se servait d'elle pour arriver à ses fins !

Depuis le début, il n'était là que pour pousser Akihoshi à démissionner.

Depuis le début, Aku était un traître et elle n'avait rien vu venir...

Akihoshi avait déjà dû découvrir ses cheveux coupés depuis un moment...

La culpabilité lui nouait le ventre. Akihoshi luttait pour ne pas céder sous la pression. Il se battait dur pour conserver ce poste que sa famille gérait depuis des générations, et c'était peut-être elle qui allait déclencher sa chute...

« Je ne suis qu'un boulet... »

« Pourquoi il a fallu que je débarque dans ce monde ? Quel était ton but, sorcière ?! »

Soudain, sa jambe se déroba et elle se serait écroulée sur le sol si son ravisseur ne la tenait pas par le bras.

- Eh bien, alors ? Déjà à bout ? Ricana-t-il, en plongeant son regard moqueur dans le sien.

Il ne s'agissait pas de celui qui l'avait brutalisée dans la forêt.

Celui-ci était un peu moins massif que l'autre, et une barbe sombre lui recouvrait la bouche, lui donnant un air bien plus âgé qu'il ne l’était en réalité.

- Allez, avance, râla-t-il en la poussant en avant. Tant que nous n'aurons pas atteint la forêt, nous ne nous arrêterons pas ! Pas même pour aller pisser !

Megumi se retint de tomber tant bien que mal et rassembla ses forces pour continuer à avancer, mais elle était si fatiguée...

Elle jeta un regard en coin vers Aku et la jeune fille retint une énième envie de pleurer tandis que la réalité la frappait de nouveau.

C'était comme si son cœur et son esprit n'étaient plus en phase, elle n'arrivait toujours pas à réaliser tout ce qui lui arrivait.

« Courage... »

« Garde ton calme, et sois courageuse » s'encouragea-t-elle en fermant les yeux pour penser à autre chose.

Si elle continuait de cogiter, elle allait devenir complètement folle, alors elle chercha une pensée agréable.

Étonnement, ce fut ce moment magique qu'elle avait partagé avec Hayate, qui lui vint en premier.

« Hayate... » pensa-t-elle en rouvrant ses yeux vides.

« Je me demande ce qu'il fait en ce moment... »

« Je ne sais pas quoi penser de notre étreinte de cette nuit, et j'ignore s'il est autant perdu que moi, mais... lorsqu'il a compris que j'avais été enlevée... qu'a-t-il ressenti ? »

Une part sombre d'elle-même espérait qu'il en avait souffert, et le simple fait de l'imaginer, en train de la chercher partout d'un air paniqué, lui donnait la force de tenir.

Elle ferma de nouveau les yeux et son cœur se réchauffa tandis qu'elle se remémorait chaque détail...

Chaque effleurement, chaque regard échangé...

Chaque seconde de leurs baisers...

Que ce serait-il passé si Aku ne les avaient pas interrompus ?

Elle aurait aimé le savoir...

Quitte à avoir le cœur brisé, elle aurait vraiment aimé devenir sienne pour de bon. Au moins une fois...

Ce ne fut qu'après avoir imaginé la suite de leur étreinte une bonne vingtaine de fois qu'elle entendit Aku déclarer que la forêt n'était plus très loin.

Elle sortit de ses pensées et leva les yeux, intriguée.

Elle remarqua alors effectivement un changement de paysage au loin.

- Essayons de l'atteindre avant la tombée de la nuit, et reposons-nous, décida Aku.

- Bien, répondirent ses deux camarades.

La forêt lui paraissait si loin, elle était à bout de force, ses jambes tremblaient tellement...

Sans parler de son dos et de son estomac qui lui faisaient un mal de chien après les coups de ce géant.

Cet homme qui l'avait agressée dans les bois avait le visage dur, et ses cheveux blonds mi-longs ne suffisaient pas à adoucir ses traits.

Il était grand. Très grand même. Au moins autant que Kyosuke...

« Kyosuke... »

Penser au capitaine lui faisait mal au cœur, elle n'imaginait que trop bien la réaction qu'il avait dû avoir en constatant sa disparition...

Ils se connaissaient à peine, mais pour une raison qui lui échappait encore, le courant était immédiatement passé entre eux.

Elle éprouvait à présent autant d’affection pour lui que pour les autres. Le commandant, Daisuke, Eisuke, Kenji, Hayate… Aku.

Elle se mordilla la lèvre pour retenir ses larmes une nouvelle fois.

Jusqu’à quel point son instinct était-il incapable de la guider efficacement ?

Elle n'avait rien vu venir...

Elle s'était attachée à un garçon, sans douter de lui une seule seconde.

« Mon Dieu... »

« Aidez-moi à me sortir de là... »

Megumi ne sut où elle trouva la force de marcher, mais elle parvint à rester sur ses jambes jusqu’au bout, malgré son état.

Ils arrivèrent finalement au niveau de la forêt peu avant le coucher du soleil.

C'était une forêt différente de la précédente.

Les arbres étaient plus hauts, et la végétation bien plus dense.

Elle avait l’air plutôt sauvage et peu empruntée par les voyageurs, mais ses trois ravisseurs ne semblaient guère effrayés, au contraire.

Munis chacun d'un poignard, ils ouvraient la voie sans se laisser impressionner par l’hostilité de cette forêt.

- Mais... je croyais qu'on se reposerait, dit-elle, à bout de souffle en s'appuyant contre un arbre.

- Lorsqu'il fera nuit, pas avant, avance ! Fit froidement Aku en la poussant en avant.

Elle n'en pouvait plus, ses jambes étaient en compote.

« Hayate… »

Elle s'accrocha à un arbre pour ne pas s'écrouler et continua d'avancer en se focalisant sur les traits de son visage.

Sur ses incroyables yeux émeraudes...

Sur ses mains larges, et veineuses qu'elle aimait tant sentir sur ses cheveux.

« Mes cheveux... »

Elle ignorait l'ampleur du désastre car elle n'avait pas encore eu le plaisir de se confronter à son nouveau look, mais elle se doutait que cela ne devait pas être très joli à voir...

Ils lui arrivaient au moins aux épaules à présent...

Elle avait souvent remarqué le regard étrange d'Hayate sur sa chevelure.

Quelle serait sa réaction si elle le revoyait un jour ?

La trouverait-il moins jolie ?

« Ah bon sang, mais pourquoi penser à ça maintenant ?! » s'énerva-t-elle en secouant la tête.

L'heure était bien trop grave pour se demander si l'homme qui l'intéressait allait aimer sa nouvelle tête.

C'était pourtant une question tout à fait normale, avant tout ceci...

Avant de se retrouver dans ce monde.

Megumi eut une pensée pour sa bille, et son cœur se serra à l'idée d'avoir probablement perdu sa dernière occasion de rentrer.

- Arrêtons-nous ici, annonça Aku. Mais interdiction de faire un feu, le risque est trop grand.

- Bien.

Aku saisit Megumi par le bras et l'attacha à un arbre, d'un geste vif et dénué de douceur.

La jeune fille tenta de trouver son regard mais lorsqu'elle y parvint, cela ne changea rien...

Elle ne lisait ni honte ni culpabilité dans ses yeux...

Il arborait seulement l'expression d'un homme serein qui avait accompli son devoir. Rien de plus...

- On ne peut pas chasser non plus, du coup, j'ai faim... se plaignit le grand blond.

- Mange tes provisions, marmonna Aku en donnant un biscuit sec à Megumi. Tu pourras manger de tout ton saoul, lorsque nous serons arrivés au quartier général.

« Au quartier général ? C'est donc là qu'ils m'emmènent ? »

Allait-elle enfin voir ce fameux Akiyama qui faisait tant parler de lui ?

Megumi grimaça et se pencha pour pouvoir déguster le biscuit malgré ses liens.

Il était aussi répugnant que les précédents, mais elle avait si faim qu'elle aurait pu avaler n'importe quoi.

Très vite, la nuit tomba. La lune quasiment pleine les éclairait, rappelant cruellement à Megumi que l'échéance pour rentrer dans son monde était proche...

« Tout est fichu... »

« Je ne reverrai plus jamais ma mère... »

« Ni Mayu... »

« Je ne pourrais plus jamais marcher en ville, m'arrêter devant ma librairie préférée... Puis repartir et faire un saut au magasin de plantes avant de rentrer. »

Ce quotidien. Elle ne le reverrait plus.

Plus jamais.

Soudain, le sang de Megumi se glaça et elle sortit brusquement de ses pensées, lorsqu'elle sentit une main baladeuse lui caresser les fesses.

Elle tressaillit et croisa le regard du grand blond, dans la pénombre.

Celui-ci la dévisageait comme s'il était déjà mentalement en train de la violer.

Megumi était figée sur place. La main de cet homme, qui lui touchait les fesses, descendait pour palper sa cuisse et en découvrir sa courbe.

La jeune fille le fixait, le cœur battant et nauséeuse.

« Qu'est-ce qu'il est... en train de faire là ? »

Sortant de sa torpeur, elle tenta de se dégager et de s'adosser à l'arbre, mais avec ses liens, elle pouvait à peine remuer.

- Laissez-moi... s'étouffa-t-elle.

Sa tête bourdonnait, ses entrailles étaient nouées par la peur.

Une lueur diabolique scintillait dans ses yeux...

- Bon, puisque je ne peux pas manger, je vais au moins m'amuser un peu, annonça-t-il en sortant un poignard.

Megumi paniqua et chercha Aku des yeux qui s'installait contre un rocher pour se reposer.

- Fais ce que tu veux d'elle, tant que tu ne la tues pas, fit Aku avec indifférence.

Si le cœur de Megumi n'avait pas déjà été brisé, il aurait été à nouveau en miette à cet instant précis.

Elle ne pouvait pas croire que ces mots sortaient bien de la bouche d'Aku.

- Aku, suffoqua-t-elle tandis que le géant tranchait ses liens.

- Allez viens, ma doucette, on va passer un peu de bon temps, toi et moi, susurra-t-il en l'emportant avec lui dans l'obscurité de la forêt.

Megumi aurait voulu se débattre, hurler de toutes ses forces, mais elle était si terrifiée et épuisée qu'elle avait l'impression de voir la scène de l'extérieur.

Elle se laissait entraînée comme une poupée de chiffon, sans vie...

Lorsqu'ils furent suffisamment éloignés, son ravisseur la plaqua contre son corps en attrapant ses fesses à deux mains.

- Aah... soupira-t-il satisfait. On ne dirait pas comme ça, avec ces vêtements d'homme, mais tu es vraiment bien foutue...

Il chercha à détacher la ceinture de la jeune fille, et ce fut à cet instant-là qu'elle sortit de sa torpeur.

Désespérée, elle cria et tenta de se débattre en lui martelant le torse de ses poings.

Il s'impatienta et leva son immense main vers elle avant de la gifler.

Sonnée, elle tituba sous la force du coup, et trébucha contre un arbre avant de s'étaler sur le dos.

Sa joue était en feu, comme si des millions de piqûres lui meurtrissaient la peau.

Elle se roula en boule lorsqu'il s'approcha d'elle et un nouveau coup s'abattit sur son visage, bien plus fort cette fois...

La douleur dans son crâne explosait, tout devenait trouble autour d'elle, et elle sentit à peine son agresseur la libérer de ses bottes et de son pantalon.

Lorsqu'elle sentit ses mains rêches l'attraper brutalement par les chevilles, il lui fit si mal qu'elle reprit vivement ses esprits.

- Non ! Sursauta-t-elle.

Elle battit l'air de ses bras et de ses poings tandis qu'il tentait de se débarrasser de sa propre ceinture, tout en la clouant au sol d'une main.

Il lui donna un coup au ventre pour la calmer et elle poussa un son étouffé mêlé à un sanglot.

Elle était en nage, elle toussait, crachait...

Et lorsque son corps imposant s'écrasa sur elle, elle en eut le souffle coupé. Elle étouffait.

Elle était prise au piège.

Il écrasa sa bouche dans son cou et l'attrapa par les hanches avec tant de brutalité qu'il lui arracha un nouveau cri de douleur.

- Aaaah ! J'y ai pensé toute la journée, haleta-t-il dans son oreille avant de la mordiller.

Il essaya de lui écarter les jambes et elle se mit à hurler à plein poumons, la gorge à vif.

Il écrasa brutalement sa main sur son visage, une nouvelle fois, l'arrêtant net.

- Bordel, je t'ai déjà dit d'arrêter de brailler !

Le monde tournait autour d'elle.

Il lui ouvrit son haut avec brusquerie et Megumi sut qu'elle était perdue lorsqu'elle sentit le vent sur sa poitrine.

Elle était fichue.

Ce démon allait la dévorer, de la manière la plus cruelle qui soit.

Les larmes roulaient sur ses joues tandis qu'il se débarrassait de son propre pantalon en respirant comme un buffle.

Il lâcha ses vêtements près de lui, et Megumi entendit un son métallique tandis que sa ceinture s'écrasait contre le sol rocailleux.

Ses armes !

Elle retint son souffle, et les chercha discrètement des yeux à travers la pénombre.

« Si seulement, je pouvais lui prendre une de ses dagues... »

Mais Megumi ne pouvait pas y accéder, son bras n'était pas assez long...

- Attends... Attends une seconde, souffla-t-elle en posant sa main sur la sienne.

Intrigué, il marqua un temps d'arrêt.

- Quoi encore ?

Son cœur battait avec violence contre sa poitrine, elle tremblait tellement de peur que ses dents claquaient.

Elle ignorait ce qu'elle était en train de faire, mais, guidée par l'adrénaline, elle se redressa pour s'asseoir.

- C'est... ma première fois, alors... J'aimerais faire à ma manière...S’il te plaît.

Le géant eut l'air surpris, puis il pouffa de rire.

- Ha ha, à ta manière ? Tu veux prendre les devants ? Petite coquine, ricana-t-il en terminant de se déshabiller, je ne suis pas contre. Que veux-tu faire ?

Elle hésita et se fit violence pour ne pas regarder ses armes. C'était sa dernière chance…

Elle devait rester concentrée !

- Allonge-toi... sur le dos, bégaya-t-elle, en grelottant.

Il continua de rire et s'exécuta.

Megumi retint son souffle.

Malgré l'obscurité, elle aperçut la forme de son membre dressé, et dut serrer les dents pour ne pas vomir.

« Garde ton sang-froid... »

« Garde ton calme... »

Elle ignorait comment elle parvenait à rester si sereine en apparence, alors qu'intérieurement, elle était à deux doigts de mourir de peur.

Soudain, il l'attrapa par le poignet, comme s’il craignait de la voir prendre ses jambes à son cou, et Megumi sentit son cœur s'arrêter net de battre.

« Mince... Moi qui comptais prendre discrètement sa dague ! »

Elles étaient toutes posées de l’autre côté de son gigantesque corps.

- Qu'est-ce que tu attends ? Dépêche-toi, je ne tiens plus ! Dit-il d'une voix fébrile.

Il était écœurant…

Megumi déglutit une nouvelle fois pour contenir sa nausée.

- Euh, oui, je... bégaya-t-elle en posant une main hésitante sur son genou velu, je veux... essayer quelque chose avant...

Il leva la tête et un sourire excité étira ses lèvres.

- Je vois... Tu caches bien ton jeu, toi, hein... J'adore ! Ricana-t-il. Vas-y, mais si tu me mords la queue, je te préviens, je te casse une jambe !

Il lâcha son bras, et la saisit par la tête des deux mains avant de la guider vers son entrejambe, en respirant de plus en plus fort.

Et à cet instant-là, le regard de Megumi se vida, tout comme son esprit, et elle cessa net de réfléchir.

Sans trembler, elle attrapa l'une de ses dagues à l'aveuglette, la sortit de son fourreau et planta la lame dans son flanc.

- AAAAH BORDEL !!! Rugit-il en se dégageant par réflexe.

Megumi se leva d'un bond, en quatrième vitesse, puis sans hésiter et malgré la fatigue, elle prit la fuite, aussi vite qu'elle le pouvait, et sans regarder en arrière.

- PUTAIN, LES GARS !! BOUGEZ-VOUS LE CUL, ELLE M'A PLANTÉ ET S'EST TIRÉE !! cria son ravisseur à travers la forêt.

Megumi courut à en perdre haleine, évitant les arbres tant bien que mal, mais il faisait si sombre qu'elle ne vit pas la pente descendante devant elle.

Elle tomba en avant et dégringola en serrant les dents de toutes ses forces pour ne pas crier de douleur et leur signaler sa position.

Son corps se prit quelques branches, mais par miracle, aucun arbre ne la stoppa dans sa descente.

Sitôt arrivée à la fin de la pente, l'adrénaline lui fit oublier les nombreuses douleurs de son corps, elle en oublia même qu'elle n'avait plus ses bottes et que son haut toujours ouvert recouvrait à peine ses cuisses.

Elle reprit sa course, sans prendre le temps de souffler. Son cœur battait si fort dans sa poitrine que c'en était terriblement douloureux.

Elle se faufila à travers les arbres en boitant, oppressée par la sensation que des yeux la suivaient dans le noir...

Et lorsque la lune s'extirpa des nuages pour l'aider à éclairer enfin son chemin, elle réalisa brusquement qu'elle ne voyait plus rien au niveau de son œil droit.

- Quand je vais l'attraper, je vais lui exploser la mâchoire à cette pisseuse de merde ! Rugit la voix du blond.

Megumi se figea et se glissa dans un buisson, sans bruit avant de bloquer sa respiration dans sa main.

« Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu ! »

« Ils m'ont déjà retrouvée !? »

- Ferme-là ! Avec le boucan que tu fais, je ne peux pas l'entendre... fit Aku à voix basse.

Megumi déglutit, le cœur battant à mille à l'heure.

Ces types étaient des chasseurs.

Ils étaient habitués à traquer leur proie, elle n'avait aucune chance.

« Oh mon Dieu, protégez-moi... » pria-t-elle en fermant ses yeux affolés.

Ou du moins, le seul encore valide.

Son visage était boursoufflé. Elle n'avait pas encore pu vérifier son reflet, mais en touchant brièvement, elle avait vite compris qu'il lui avait fait cadeau d'un beau coquard.

Si ces types la retrouvaient, elle allait se faire massacrer pour avoir osé poignarder l’un des leurs.

Elle réprima un frisson glacial tandis que cette terrible et répugnante sensation lui revenait, comme ancrée dans sa main.

C'était comme planter un couteau dans un gros morceau de viande.

Le coup l'avait aspergé de sang, elle en avait la nausée.

- Je vais voir par-là, dispersez-vous, ordonna Aku.

- Bien !

Megumi tressaillit et se recroquevilla dans sa cachette. La douleur et la peur l'accablaient...

Elle aurait voulu sortir et fuir cet endroit, mais ils la rattraperaient aussitôt.

Malgré la nuit, ils avaient déjà retrouvé sa trace, ce n'était plus qu'une question de temps...

« Purée... S’ils m’attrapent, je suis morte !»

Qu'aurait-elle dû faire d’autre ?

Laisser ce type disposer d'elle pour ne pas l'énerver, et subir le destin que ces hommes avaient visiblement décidé pour elle ?

Tout se bousculait dans sa tête, elle n'arrivait plus à penser clairement.

« Bon sang, je me suis fichue dans un sacré pétrin, cette fois... »

Soudain, deux mains écartèrent les feuilles du buisson et Megumi croisa le regard sombre du géant à la barbe.

Elle retint son souffle, figée par la peur et un silence qui lui parut interminable s'installa.

Le bandit leva la main, elle tressaillit en pensant recevoir un coup, mais il lui fit seulement signe de rester silencieuse.

Intriguée, Megumi le regarda sans comprendre tandis qu'il dégainait discrètement sa dague, avant de tendre le manche vers elle.

« Hein ? »

Megumi la saisit d'une main hésitante, puis il se pencha vers elle et la jeune femme croisa son regard inexpressif à travers la lumière de la lune.

- Sauve-toi dès que ce sera le moment... chuchota-t-il avant de la cacher de nouveau derrière les feuilles.

Megumi avait les yeux ronds comme des billes.

Elle ne comprenait plus rien.

Ce type était leur allié, alors pourquoi lui venait-il en aide ?

Par pitié ?

Son cœur battait à tout rompre tant elle ne s'attendait pas à cela.

Elle serra la dague contre son cœur et prit une inspiration pour retrouver son calme.

- Les gars, il y a des traces ici, dit-il. Elle doit être partie dans cette direction.

- Merde ! Râla le grand blond en faisant demi-tour.

- Vite, dépêchons-nous avant de la perdre pour de bon ! pesta Aku.

- Quand je vais la retrouver, je vais la culbuter jusqu'à ce qu'elle me supplie de l'achever, cette purite de mes deux !

- Tu ne feras rien du tout, bon à rien ! S'énerva Aku. C'est à cause de tes conneries qu'on en est là ! Dès que nous l'aurons retrouvée, je ne la quitterai pas des yeux jusqu'à notre arrivée au quartier général ! Et je me fous de ton avis !

Elle entendit le grand blond marmonner des jurons, puis au bout de quelques instants, elle n'entendit plus que le son du vent.

Elle soupira de soulagement…

« Ils sont partis... »

Elle eut à peine le temps de se sentir rassurée, qu’elle réalisait soudain brusquement qu’elle se trouvait perdue au milieu d’une forêt glaciale en pleine nuit...

Megumi secoua la tête pour chasser les scènes de films d'horreur qui lui venaient à l'esprit, puis elle sortit de son buisson et s'avança au pas de course à travers les arbres, dans la direction opposée des trois hommes.

Au bout de quelques minutes, elle ralentit le pas, et continua d'avancer en prenant le temps de souffler.

Elle était épuisée et complètement bouleversée après ces longues heures de cauchemars qu'elle venait de traverser.

« Qu’est-ce que je fais maintenant ? Je ne sais même pas où je suis... »

Soudain, Megumi sursauta et poussa un petit cri lorsqu'elle marcha sur un caillou pointu.

- Aaaah mince... s'étouffa-t-elle.

Elle s'adossa contre un arbre et se frotta le talon en grimaçant de douleur, les dents serrées pour ne pas hurler.

Où avait-elle trouvé la force de courir pendant des heures sans chaussures ?

Ils devaient être dans un sale état à présent.

Elle se détacha difficilement de l'arbre et reprit sa route, en boitant.

L'adrénaline étant passée, elle n'était plus qu'une plaie vive.

Tout son corps lui faisait un mal de chien, et elle se sentait si seule.

Si vulnérable...

Megumi pensa à ses camarades si protecteurs qu'elle avait perdus et elle se sentit soudain terriblement triste.

Elle se mordilla la lèvre, les larmes aux yeux, et un dégoût profond l'envahit lorsqu'elle sentit le goût du sang de son agresseur sur sa langue.

Ce sang qu’elle avait reçu en plein visage lorsqu'elle l'avait poignardé.

La scène lui revint soudain en mémoire avec une netteté si écœurante qu'elle ne put s'empêcher de vomir.

Elle s'appuya contre un arbre pour ne pas s'écrouler et après avoir rendu l'eau et les rares biscuits qu'elle avait avalés, son estomac continua de se rebeller, provoquant des crampes abdominales douloureuses.

Elle resta pendant un long moment ainsi, en état de choc, à fixer le sol, puis, péniblement, elle reprit sa route.

Moite et frissonnante de froid, elle rassembla les bords de son haut pour le maintenir fermé. Elle n'avait plus sa ceinture depuis son agression.

« Sois courageuse... »

« Ne pleure pas, tout va bien, tu as réussi à t'échapper ! » s'encouragea-t-elle en passant sa main sur ses yeux larmoyants.

« Tu peux être fière de toi, tu as fait le plus dur ! »

Elle essaya de remettre un peu d'ordre dans ses pensées, puis elle prit quelques inspirations et accéléra le pas en tâchant d'ignorer ses pieds douloureux, mais son état de fatigue était tel, que ses jambes finirent par se dérober sous elle au bout de quelques minutes.

Elle n'en pouvait plus. Elle était épuisée…

Elle devait se cacher quelque part pour récupérer.

Megumi s'accrocha à la végétation pour se relever puis au bout de quelques pas, elle se retrouva face à un arbre creux.

Elle l'inspecta rapidement avec ses mains, à défaut de pouvoir le voir de ses yeux, puis sans trop réfléchir, elle s'engouffra à l'intérieur et s'y laissa tomber avec un soupir de soulagement.

Son abri était humide, une odeur étrange lui piquait également les narines, mais cela n’avait pas d’importance.

« Je vais juste me reposer... quelques minutes » se promit-elle en fermant les paupières.

« Juste deux minutes... et après je repars. »

Mais Megumi avait à peine fermé les yeux, qu'elle s'écroulait déjà avec plaisir dans les bras de Morphée.

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